Elle était blonde comme les blés, toujours impeccablement vêtue, même en dehors des heures de travail. C’était son style, sa manière de vivre. Brigitte Kruse était née en Allemagne de l’Ouest, bien avant la chute du mur, à la fin des années 1950. Des études, comme toutes les jeunes filles, mais surtout un rêve : être hôtesse de l’air. La chance lui sourit puisqu’elle est![]()
rapidement recrutée à la Lufthansa. Elle travaille sur les longs courriers, voyage dans le monde entier. En ce temps-là, les rotations des équipages ne sont pas trop éprouvantes, on a le temps de visiter les pays dans lesquels on fait escale. Cette vie de solitaire, toujours en route, lui convient. Elle n’est pas mariée, n’a pas d’enfant, mais elle est heureuse. Lorsqu’elle prend ses congés, c’est pour aller voir sa famille, en Allemagne, ses parents, un couple de gens simples qui se réjouit que leur fille ait pu faire, dans la vie, ce qu’elle souhaitait.
Lorsqu’elle découvre les premières images du Concorde, au début des années 1970, c’est un véritable coup de foudre pour Brigitte Kruse. Elle n’aspire qu’à une seule chose : voler sur cet avion extraordinaire qui est à la fois une prouesse technologique et un magnifique appareil. En 1975, elle pose sa candidature chez Air France et, parce que la chance sourit toujours aux audacieux, elle est recrutée dès les premiers vols commerciaux, en 1976. C’est une belle femme, grande et mince, elle a de la classe et parle plusieurs langues, une hôtesse de l’air idéale pour le genre de public qui fréquente Concorde : les nantis de la planète, qui ont les moyens de se payer régulièrement un billet, et les gens simples et enthousiastes, qui économisent longtemps pour se payer le voyage de leurs rêves.
Brigitte Kruse traite tout le monde sur un pied d’égalité, celui du respect et de la disponibilité. Elle aime son travail et elle aime les gens. Elle reçoit avec cette même bonté l’équipe de télévision qui vient filmer à bord, le temps d’un voyage. On a pu voir leur film sur Arte fin mars, avec des images de Brigitte Kruse. Son personnage est aimablement dessiné, l’objet de l’enquête n’étant pas tant le personnel de bord que l’appareil en lui-même, les pilotes aux commandes et les passagers en leur diversité.
C’est parce que nul ne saurait envisager, à l’époque du tournage, le destin tragique de cet avion. Sa vie s’est achevée, pour ainsi dire, en même temps que celle de Brigitte Kruse. Elle était l’un des membres de l’équipage du vol Paris-New York qui s’est écrasé sur Gonesse, le 25 juillet 2000. Peut-être est-ce mieux ainsi, diront certains. Elle aura vécu son rêve jusqu’à la fin, sans connaître le désespoir de voir s’arrêter les vols Concorde et mettre au rancart les derniers appareils. Elle ne porte pas le poids du chagrin des anciens marins du paquebot France. Eux ont eu à subir le changement de nom du grand navire, puis son désarmement, ils l’ont vu rouiller lentement et s’attendent chaque jour à apprendre qu’il a été vendu à un quelconque ferrailleur, quelque part sur la planète.
La mort n’est insupportable que pour ceux qui restent. Les vieux parents de Brigitte Kruse ont maintenant des sanglots dans la voix lorsqu’ils évoquent le souvenir de leur fille. Mais la jeune femme vole pour l’éternité dans son grand oiseau blanc, celui de ses rêves devenus, à jamais, des souvenirs.
Elle a été décorée du titre de Chevalier de la légion d’honneur, à titre posthume, pour ses vingt-trois ans de service civil et parce qu’elle a été tuée dans l’accomplissement de son devoir. Hommage honorable mais, au fond, sans importance de la république à une "anonyme". L’essentiel reste la propriété exclusive de Brigitte Kruse : le bonheur qu’elle a vécu en travaillant pour le Concorde.
Je ne connaissais pas cette femmes et je sais très peu de choses sur elle. J’ai imaginé son parcours à partir des quelques mots recueillis dans l’émission d’Arte, mais son destin m’a touchée et j’ai souhaité brosser un petit portrait. En hommage aux rêves qui se réalisent.
Ce billet est touchant.
Il fait écho au moment de ma vie où j’ai appris l’accident de cet avion à un homme qui se trouvait alors ma vie, et dans ma maison, comme ça, incidemment, et il en a été totalement bouleversé parce que son père avait travaillé comme ouvrier sur la chaîne de montage, que c’était une sorte de mythe qui s’effondrait.
Nous avons allumé la télé et il regardait avec fascination et chagrin les images qui défilaient, les reportages… Je me souviens de ça, c’était une ambiance étrange.
C’était un avion qui n’était pas comme les autres.
Ici, nous vivons un peu la même chose avec l’Airbus 380, je comprends mieux cette fascination pour la ressentir, presque malgré moi.
En tant qu’employee d’Air France j’ai malheureusement entendu ce nom le jour de la tragedie de Gonesse, avec ceux des 12 autres membres d’equipage.
J’ai eu la chance, le privilege de voyager une fois sur Concorde (sur la fin, quand les ventes declinantes un quota de sieges a ete ouvert -enfin- aux employes a des prix discount). Je peux temoigner qu’au dela du service abolument unique qu’on trouvait sur cette machine les personnels navigants de Concorde la veneraient. A la limite c’etait eux, et pas nous qui se consideraient priviliegies!
J’ai rencontre des equipages qui ont acceptes de faire une carriere uniquement a se taper des Paris-New York ad vitam pour pouvoir travailler sur cet appareil qui reste un defi technique inouie pour l’epoque a laquelle il a ete concu. Un triomphe mecanique alors que l’informatique en etait a ses balbutiements. Je n’oublierai jamais les sensations si differentes, bien loin des avions conventionnels, l’impression d’etre dans un vaisseau spatial!
Avec en prime le bleu violet qu’on ne trouve qu’a cette altitude, dans la stratosphere. Se souvenir de cette femme c’est aussi celebrer une petite equipe familiale qui s’est relayee au sein de la compagnie pendant 30 ans pour faire vivre une forme de reve: la vitesse, le service, l’exclusivite, un club de clients -et de personnels- avec le meme sentiment.
Merci Stella d’en avoir parle, et moi ca me remet mon souvenir de 3h30 entre JFK et Paris en tete avec un beau sourire, un hommage personnel aussi…
je lis cet article tardivement car je fais des recherches sur les 6 personnes ( 4 femmes et 2 hommes) du personnel naviguant commercial à bord de Concorde le jour du crash.
Pour les hommes : couleur des cheveux
Pour les femmes : couleur de cheveux et taille : court ou long et l’une d’entre elle devait avoir un enfant
A ceux qui savent répondre , j’expliquerais le pourquoi de cette recherche
Merci d’avance
Il fait écho au moment de ma vie où j’ai appris l’accident de cet avion à un homme qui se trouvait alors ma vie, et dans ma maison, comme ça, incidemment, et il en a été totalement bouleversé parce que son père avait travaillé comme ouvrier sur la chaîne de montage, que c’était une sorte de mythe qui s’effondrait.
Nous avons allumé la télé et il regardait avec fascination et chagrin les images qui défilaient, les reportages… Je me souviens de ça, c’était une ambiance étrange.
C’était un avion qui n’était pas comme les autres.
Ici, nous vivons un peu la même chose avec l’Airbus 380, je comprends mieux cette fascination pour la ressentir, presque malgré moi.