Y aura-t-il demain un entrefilet dans le journal ? Pas sûr. Joëlle Aubron, militante d’Action directe, est morte aujourd’hui, elle avait 46 ans.
Qui se souvient d’Action directe ?… Aujourd’hui, le terrorisme est revêtu d’oripeaux qu’on ne veut même pas toucher du bout des doigts, en particulier depuis le fatal et tragique 11 septembre. Mais il y eu un temps où le désir de faire la révolution justifiait, aux yeux des gens les plus engagés, l’emploi de la violence. N’oublions pas Sartre et sa préface à Peau noire, masques blancs de Franz Fanon.
Joëlle Aubron était issue d’un milieu bourgeois parisien et s’était engagée dans le militantisme communiste révolutionnaire actif, puis la lutte armée dès l’aube des années 1970. Action directe n’y allait pas de main morte : attentats contre les structures de l’OTAN, contre les institutions de Bretton Woods, attaques de banques, de magasins de luxe, puis l’assassinat de Georges Besse (patron des usines Renault) et de René Audran (inspecteur général de l’armement). Arrêtée en février 1987, un an plus tard Joëlle Aubron est condamnée à perpétuité avec 18 ans de peine incompressible, sentence confirmée en appel en 1994. Avec elle, dans le box des accusés, Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon et Georges Cipriani.
Joëlle Aubron a toujours assumé ses responsabilités et n’a jamais rien regretté politiquement. Elle n’a jamais cherché à justifier humainement la mort délibérée d’un être humain mais regardait ses actes dans leur contexte politique et historique. " La révolte en soi ne suffit pas, mais si un révolutionnaire n’est plus révolté, il devient un fonctionnaire et représente un danger pour sa propre cause. Il renonce à se poser les questions dérangeantes. Or pour avancer, il est bon de remettre les choses en cause." Critique magnifique du parcours de Lénine.
La peine de Joëlle Aubron a été suspendue et elle est sortie de prison le 16 juin 2004 pour raisons médicales : elle avait une tumeur cancéreuse au cerveau. Elle a donc pu bénéficier de la loi Kouchner, celle-là même qui s’est appliquée à Loïk Le Floch-Prigent , même s’ils ne jouaient pas dans la même cour.
Joëlle Aubron a été honnête avec elle-même, avec ses convictions et elle a tout assumé.
C’en est autrement pour les Papon et autres Pinochet.
Réfléchissons : qui est terroriste ? qui est révolutionnaire ? par rapport à qui, par rapport à quoi ?
C’est un problème qui relève du « être du bon côté de la barrière », le bon côté étant celui des plus puissants, cela va sans dire. Problème de circonstances ???
Celle qui aussi fut appliquée à Papon, su je ne m’abuse.
j’avais été frappée par une interview lue peu après la suspension de la peine, où elle ne reniait rien de son passé. Une intransigence incroyable quant à sa « mission »
je ne savais pas qu’elle était morte et encore moins qu’elle avait le même âge que moi…
J’ai lu cette nouvelle dans le fil rss des journaux en ligne, où elle a été bien reprise (Libé, Le Figaro…).
Même si je me suis toujours senti très loin de ce type d’action, ce groupe de gens a eu un destin vraiment terrible… Ils ont été broyés, tous.
Il y a un monde entre leurs actions et le terrorisme tels que nous le connaissons actuellement au niveau mondial. Ils sont liés à une époque qui a disparu.
TTT, je suis d’accord avec toi : il y a quelque chose de tragique dans ces destins. A côté de Pinochet, voire de Papon, à côté d’un Franco qui est mort de vieillesse dans son lit, les 4 d’Action Directe ont payé très cher leur engagement radical. Ceci dit, Cypriani, reconnaît lui-même « qu’ils ont fait une hypothèse, et qu’elle s’est révélée fausse ». Le monde a évolué dans un sens opposé.
Je crois qu’ils avaient tort, mais ils ont été traités d’une façon qui ne grandit pas notre pays.
Il est scandaleux que toute la presse fasse un fromage pour la mort de cette meurtrière. En raisonnant comme cette personne n’importe qui pourrait tuer pour n’importe quoi. Elle a tué deux personnes de sang froid…et les victimes on y pense? Encore elle, elle a vécu plus longtemps qu’elles, elle a de la chance tout compte fait!
Je regarde le titre de tes deux billets Joëlle Aubron et Bruno Bettelheim, et je me dis que le terrorisme, la violence font tellement partie de nos vies actuelles… Je ne sais pas ce qu’un jeune de 20 ans peut pensr maintenant des parcours de Joëlle Aubron et de ses amis.
Ah, chère Fauvette, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…
Le maintien en détention des « restes » d’Action Directe relève de la vengeance d’Etat. Les peines ont été purgées, le temps a fait son oeuvre, mais pas dans la mémoire de certains.
Il est troublant que l’on puisse faire l’impasse sur des enfants emmenés comme du bétail dans des trains vers les chambres à gaz et que l’on a du mal à se remettre de la mort (de l’exécution, puisqu’il faut bien appeler les choses par leurs noms) de deux grands commis d’Etat.
Il n’est plus question de justice à ce stade.
Attendons donc que Ménigon et Rouillan, eux aussi malades, soient sur le bord de la vie pour les lacher enfin.
De quoi a-t-on peur ? De kamikazes en fauteuil roulant ?
On peut être très à gauche et détester tout ce qui ressemble à la violence, au terrorisme. Mais condamner les méthodes d’Action directe ou des FAR en Allemagne ou autres du même genre en Italie (tout ça est antédiluvien et c’est le genre de réflexions que j’avais le temps de faire sur un lit d’hosto en 1978…) est une chose, penser que la privation de liberté a duré assez longtemps pour considérer qu’ils ont payé leur dette envers la société (après des années d’isolement dans des conditions à peine humaines) et qu’ils ont aussi le droit de sortir de prison avant d’être morts… Papon tout guilleret, prétendu grabataire ! J’en ai soigné assez de vrais pour être stupéfaite d’une telle « résurrection » en si peu d’heures !… On aurait dû remettre Papon dans son lit d’hôpital carcéral et poursuivre les médecins auteurs de ces rapports pour faux témoignages… non, mais !
Pouvez-vous me dire si ces femmes »courageuses » ont laissé des traces écrites sur leur parcours ? Merci