Mercredi nuit, je me suis rendue dans un de ces nouveaux "machins" bien à la mode, qui s’appelle "café psycho". Le genre "café littéraire" ne me branche pas vraiment, mais je voulais faire plaisir à un mien camarade. Thème de la soirée : l’humour. Ca ne se refuse pas tout à fait…
Invitée : une dame, lunettes en forme de papillon, cheveux bouclés couleur L’Oréal, un accent hongrois à couper au couteau, plus toute jeune. Ne respirait pas vraiment la joie de vivre, mais bon, on n’était pas là pour rigoler, non plus. Enfin si, mais rigoler sérieux. Donc la dame nous explique que, depuis 35 ans, elle étudie l’humour et, en particulier, les histoires juives. Huuuuu, d’un coup, le public est médusé. Diiiidon, 35 ans ! Et d’enchaîner avec un exposé dont, à première vue, nous n’apercevions pas vraiment les tenants et les aboutissants, émaillé de ses fameuses histoires juives naturellement. Nous savons tous, à moins d’être complètement abrutis, qu’elles sont drôles parce qu’elles sont, au fond, aussi tragiques que le destin de ceux qui les ont développées, qu’ils les aient utilisées pour exorciser leur peur, leur différence ou pour quelque autre raison. Dans le petit sous-sol trop blanc où nous étions, sans le verre d’alcool blanc et le strudel aux pommes qui réchauffent l’atmosphère, sans la pointe d’accent ashkénaze que possède le délicieux Popeck, elles semblaient autant de chaussettes trop grandes aux pieds de Cendrillon.
Lugubre.
Pourtant, le public se donnait du mal. Mon camarade Michel, par exemple, qui se pliait en deux sur sa table avec un air tellement suspect que l’on se demandait si c’était notre air constipé ou l’histoire en question qui le faisait marrer. Il y avait force souffles saccadés et hoquets asthmatiques, destinés à rassurer notre oratrice sur ses capacités non à captiver notre attention, mais à simplement faire rire.
Tragique.
Vint le moment des questions. Là : la Bérézina. Je marque le point du siècle en matière de flop en l’interrogeant sur Angel Wagenstein. Bon, je sais que ce n’est pas obligatoire d’avoir lu Angel Wagenstein. Enfin, moins obligatoire que d’avoir lu Le rire de Bergson ou Les bijoux de la Castafiore, quand on veut parler d’amour, euh, d’humour veux-je dire. Mais niet, nada, nenni. D’Angel Wagenstein, elle n’avait jamais entendu parler. Je n’en suis qu’à la première centaine de page du Pentateuque ou les cinq livres d’Isaac, et j’ai déjà fait connaissance d’une bonne trentaine d’historiettes dont certaines ne manquent pas de drôlerie.
Effondrée, je suis.
Alors que la dame enchaîne sur les histoires drôles de/sur les femmes, et que le lugubre vire carrément au soporifique, je fais un signe discret à mon camarade Michel et m’éclipse, non sans entraîner une bande de filles dans mon sillage. Des jeunes personnes que la bonne éducation avaient empêché de sortir pendant les histoires juives.
Voilà, c’était Stella va au café psycho.
Ah !
Quel bonheur de constater que, dans cette vallée d’alarme, il existe encore des belles personnes qui crament une soirée et celle d’un ado, certainement puni de quelque chose, pour faire plaisir à un qui en a eu.
J’assistais en place de choix à ce déroulé hallucinant, compression d’une épistémologie de 306 600 heures en une seule heure et demie. Et je bus du petit lait.
Les blagues juives et les blagues intelligentes en général me font beaucoup d’effets, immédiat, immédiatement juste après, un peu après encore et dans l’après coup toujours.
Je me suis marré donc en permanence et à plein de niveaux dont celui de l’air consterné de l’assistance, habituée à des interventions, débats et montées verticales en température plus en phase avec le thème « Haine et racisme » usuellement raboté.
Les questions, il est vrai, furent d’un pâteux rare et les dix pages de lancement, commentaires, relances et bouquet final de conclusions que je prépare habituellement pour n’en glisser que quatre phrases bien suffisantes me servirent à dessiner, en hoquetant intérieurement, l’oeil de Dieu de profil.
Ce regard divin, mystérieux et ourlé, qui m’intriguait moi-même, prit tout son sens lorsque le sujet de l’hmour féminin vint dans la lumière. Un effet « Bataille » certainement dans lequel Stellamaris, étoile blogueuse et mère profonde, ne contait certainement pas pour du beurre.
La vieille dame dorée et clignotante derrière ses lunettes taillées dans la masse d’un hublot de sous marin, angelot décollé d’un Est de légende et tombé en chaire parihuitième pour le bonheur de générations de post-acnéiques, la dame dont la prestation fut remarquable même si elle n’a pas soulevé, en une bronca hurlante, un auditoire acquis, mène un travail de haut niveau sur l’humour. (perso.wanadoo.fr/corhum.humoresques/ )
Un travail universitaire certes, naturellement et légèrement décalé de la « vraie » vie, mais essentiel.
Alors, donc hormis, car… nous l’avons déja réinvitée.
Et la prochaine fois, je lui offrirai un verre d’eau, je lui ferai une bise sur les deux joues et mon coeur battra plus vite comme il aime le faire quand, de générosité, de gentillesse et de savoir tranquille, on le nappe.
Camarade Michel
Psychanalyste parfois drôle.
Alors là, cha ch’est un prochès d’intenchion ! dit l’ado en question, qui revient de chez l’orthodontiste. Parce qu’aussi extravagant que cela puisse paraître, il est venu DE SON PLEIN GRE et non pas à l’insu de sa bonne foi.
Comme quoi, à 13 ans on peut avoir l’air puni par l’existence, quoi qu’on fasse.
J’ai vraiment raté une belle soirée ! Pourtant chère Stella et cher Rackham, des matinées comiques nous en avons partagées quelques unes…
La prochaine fois je viens ! Si, si…
Fauvette la verte
Chère Fauvette, si vous y allez, j’y retourne ! Comme ça, on fera connaissance et plus on est de fous, plus on rit, dit-on… Je ne connais pas le thème de la prochaine fois, mais comme « perseverare…etc, etc, » on ne risque pas vraiment d’avoir un monsieur spécialiste des histoires belges depuis 35 ans.
Chère Stella,
Quelle est la date des prochaines réjouissances ?
J’en ris déjà !
Fauvette la Verte
Je n’ai encore ni le thème, ni la date de la prochaine rencontre au Café-psycho, mais dès que je reçois l’invitation, j’en ferai une petite note pour prévenir tout le monde. J’espère que ce sera printanier !
A propos, le site de la dame est très intéressant. Voici l’adresse complète :
http://perso.wanadoo.fr/corhum.humoresques/
Et l’histoire des têtes de harrengs, vous la connaissez?