Je voudrais aller à Auschwitz. Il y a soixante ans, cette simple phrase aurait constitué une aberration. Vouloir aller à Auschwitz était inconcevable au moment où tant de gens priaient pour en partir, au moment où ce mot seul signifiait voyage sans retour. Aujourd’hui, ceux-là même qui ont cru ne jamais en sortir reviennent sur ce lieu maudit et se souviennent. La neige qui crisse sous leur pas a le même murmure, mais la clameur des prisonniers qu’on torture s’est éteinte. Il ne reste dans l’air que l’odeur de la steppe, la fumée ne s’échappe plus des fours en ruine.
Je voudrais aller à Auschwitz. Pourtant je ne suis pas juive, ma famille n’a pas été déportée, je n’ai rien laissé là-bas qu’il me faille ressusciter. Quel est donc ce besoin de voir ? Cette envie irrépressible de me trouver sur les lieux mêmes de la souffrance et de la mort. Voyeurisme ? Non. Des murs, des barbelés, des bouleaux, des champs, une inscription célèbre et odieuse (Arbeit macht frei), du vide plein de souvenirs, de peur, de cris, de faim, de froid… Comment peut-on avoir envie de voir ? Et pourtant. C’est un morceau de l’histoire de l’humanité. Une part de moi-même, de ma constitution. Je ne serais certainement pas la même si ce génocide n’avait pas eu lieu. Je me poserais certainement pas les mêmes questions. Je n’aurais pas lu Primo Levi, ni Maus de Art Spiegelman, ni vu Nuits et Brouillard.
Comment serait la vie sans Treblinka ? De quelle façon parlerait la mère de mon ami Yves sans Bergen-Belsen ? Ne serions-nous pas tous plus gais, plus légers, plus insouciants ? Nous n’aurions pas à craindre la "peste brune", nous n’aurions pas à dire "plus jamais ça". Moins coupables, moins pétris d’incompréhension.
« racontons un peu n’importe quoi » dit le titre de votre blog. J’aurais pensé que vous nous serviriez des petites blagues rigolotes, mais vous commencez fort.
Je suis allée à Dachau à 13 ans. Je n’ai pas de mots pour le dire, mais ne saurais que vous pousser à vivre cette experience. Je ne suis pas juive, je ne connais pas la mère d’Yves, ni aucune personne touchée de près ou de loin par cet effroyable génocide. Mais j’aspire, non pas à comprendre, mais à essayer vaguement de toucher du doigt une réalité inimaginable autant qu’abominable. Une façon pour moi de mieux prononcer le « plus jamais ça ».
Voilà, merci de m’avoir permis d’exprimer maladroitement tout ça.
Et longue vie à votre blog.
« une inscription célèbre et odieuse (Arbeit macht frei) ». Non, l’inscription n’est pas odieuse, je la crois même juste : si le travail est créatif, il peut bien libérer. L’art, par exemple, est aussi du travail. L’odieux, ça oui !, c’est ce qui passait derrière…
gp
oui, la vie serait sans doute plus frivole. Et nous aurions moins honte de nos pères ?
C’est drôle j’ai ressenti la même envie un peu étrange. Je reviens tout juste d’Auschwitz, voici mon expérience…
l’article sur ma visite d’Auschwitz se trouve ici :
http://dndf.over-blog.com/article-742635.html
Bonjour Stella,
j’ai aussi mis ton site en « favoris ». Je suis à ta disposition pour discuter de la Shoah ou d’autre chose….
C’est sympa les blogs du monde ? La photo de Biarritz est très bien, je regrette presque d’avoir raté la « galette des rois ».
@+
comment peut on se rendre à Auschwitz, quel organisme faut il contacter pour s’y rendre en voyage organisé ??? merci d’avance