Il est des lieux qui se lisent dans le regard de l’autre, comme il est des partages qui ne se font qu’avec l’esprit. Lorsque la planète fait le gros dos, allongeant les distances et étirant le temps, il n’est d’autre issue que de rêver. C’est à ce voyage immobile que je vous invite, dans ce Paris que j’aime et qui s’étire nonchalamment dans le soleil de l’hiver, surpris d’avoir si froid.
Allons flâner sur les avenues majestueuses, où les boutiques à peine remises des fastes de Noël, tendent au passant repu leurs dernières offres promotionnelles. Dentelles frissonnantes, pulls soyeux, chaussures fourrées, tout est bon pour attirer une dernière fois la Parisienne élégante. Dégustons au passage un chocolat africain et un Mont-Blanc chez Angelina, deux choses uniques au monde et qui flatteront vos papilles intéressées. En sortant, nous marcherons jusqu’à la place de la Concorde, où l’obélisque darde son pyramidion d’or tel un phare dans le désert. L’Assemblée nationale et l’église de la Madeleine, identiques et impavides, se regardent en chiens de faïence. Libérées de leurs entraves de pierre, se jetteraient-elles dans les bras l’une de l’autre, comme deux soeurs jumelles enfin réunies, ou se sauteraient-elles à la gorge, ivres de jalousie et de haine, temple de la laïcité et de la république contre maison de Dieu ?
Dînons ensemble sur le toit du monde, au premier étage de cette tour Eiffel sans laquelle Paris ne peut se penser, qui clignote de milliers d’ampoules dans la nuit froide et claire. Elle conserve ce charme suranné des expositions universelles et des prouesses techniques d’un autre siècle. Elle rappelle aussi, en privé, que sous d’autres climats plus cléments, il est des lieux similaires où l’on dîne, dans le scintillement permanent de mille autres feux.
Gravissons la montagne Sainte-Geneviève pour déambuler tranquillement dans le Quartier latin. La Sorbonne résiste, c’est son rôle, mais les librairies disparaissent. Réjouissons-nous cependant : nous pouvons encore aller voir un film d’Hitchcock ou de Billy Wilder, en ce lieu seul les majors américaines n’ont pas encore absorbé toutes les salles d’art et d’essai. Ainsi apprendrez-vous ce qu’est, en vrai, « l’exception culturelle » française.
L’hôtel Montana a fermé sa cave à jazz et le Bilboquet ne fait plus recette, mais il nous reste le Petit Journal Montparnasse, avant d’aller manger des huîtres bien fraîches, ou les Trottoirs de Buenos Aires pour respirer un air de tango, à moins que vous ne préfériez le Baiser salé, rue des Lombards. La nuit, tous les chats sont gris.
Au matin, quelques croissants chauds bien croustillants et un café parfumé saurons vous charmer et Paris a tant de merveilles qu’il va vous plaire d’explorer… Et quand vous serez lassé, nous partirons non pas pour Rome, nous ne sommes pas si vieux, mais pour Venise, la belle et romantique cité des doges.

ANTI-PARIS : DIMANCHE DE SOUS-PRÉFECTURE
Léthargie dominicale à Sillé-le-Guillaume !
Depuis le cimetière jusqu’aux tables des salles à manger avec leurs nappes couvertes de miettes en passant par la place centrale jouxtant le presbytère, tout suinte l’honnêteté ennuyeuse dans cette cité du fin fond de la province figée dans un siècle révolu.
Le repas de midi s’étire en fonds de verres de cidre tiédi suivis de siestes informelles… Paralysée par la torpeur estivale et intellectuelle, la ville peuplée de cerveaux pareils à des limaces bave d’imbécile auto satisfaction. Toute l’année le bourg ronfle en silence. En toutes saisons la ouate de la paresse cérébrale tombe mollement sur les toits pour y givrer les esprits.
A 35 kilomètres de là le Mans est un autre pays, Paris une planète inconnue, la Lune une voisine familière.
Quant à l’Amérique, c’est un impensable horizon. L’inconcevable univers, abstrait, plus terrifiant que la capitale de la France… Un trou noir.
La “réalité vraie” en ce lieu pétri de certitudes locales ne dépasse pas les bornes de la… localité !
A Sillé-le-Guillaume on voyage en faisant du sur-place. Les plus téméraires enfourchent leur vélo. On se méfie du TGV passant sur la commune. Le Paris-Rennes est un tonnerre d’acier qui zèbre dix fois par jour l’espace sonore du centre-ville sans jamais parvenir à entamer la masse molle intérieure de ses habitants : ici les mollusques sont paradoxalement insensibles aux fers les plus durs de la modernité.
La redoutable inertie de Sillé-le-Guillaume a de tout temps triomphé des fureurs citadines. La gélatine silléenne est l’ennemie séculaire, invincible du métal parisien. La pensée molle de cette province d’un autre temps a toujours vaillamment résisté aux attaques acides des mondains. Vaine fierté de sous-préfecture…
Enfin, les hiboux de la forêt domaniale coiffant l’agglomération sont les seuls étrangers traditionnels de Sillé-le-Guillaume. Les autres, ce sont de véritables bêtes curieuses parlant hollandais, allemand et anglais que l’on tolère pour la bonne raison qu’ils font du camping payant sur les bords du lac.
A Sillé-le-Guillaume on végète dans un âge ingrat mais on a le sens crotté des affaires !
VOIR LA VIDEO :
http://www.dailymotion.com/video/xnk68e_dimanche-de-sous-prefecture-a-sille-le-guillaume-raphael-zacharie-de-izarra_news
Raphaël Zacharie de IZARRA