Chers amies et amis blogueurs, mes chers visiteurs
Vos messages m’ont touchée. Vous n’imaginez pas à quel point… Je suis rentrée de Côte d’Ivoire il y a plusieurs jours déjà. Je vous écrirai bientôt un carnet de route, c’était un reportage intéressant. J’ai passé quelques jours au Burkina Faso, également. Mais si je n’ai pas manifesté plus tôt ma présence, c’est parce que la tragédie que je redoutais depuis plusieurs mois s’est abattue sur moi.
Oui, mon cher oncle André, mon "père", mon ami et mon frère, est parti. Il est allé rejoindre dans les étoiles sa fille Laetitia, ma "petite chérie" et Mamie, celle qui m’a élevée. Celle qui "nous" a élevés, devrais-je dire. Lorsque j’étais enfant, dans l’île de Ré, André, encore très jeune, vivait avec nous. Il a quitté la maison, s’est marié en 1968 et a eu un enfant. Pour cause de divorce houleux, Mamie a pris Laetitia à la maison. C’était au moment même où ma mère m’emmenait avec elle. Mamie nous a tous quittés en 1978. Laetitia est partie en 1994. Aujourd’hui, c’est André. Demain, ce sera moi et notre "filiation" sera éteinte.
Je ne suis pas triste, c’est bien ainsi. Mais j’ai du chagrin. Un énorme chagrin qui me fait une grosse boule dans la gorge et un poids lourd sur le coeur. La vie sans André… La vie sans les vacances en Guyane, sans son petit rire, sans son sourire en coin, sans son humour, sans ses excès, sans ses passions. Rien que les miennes et personne pour les écouter.
Où sont les femmes qu’il a aimées ? Les copains qu’il a embrassés ? Dispersés sur la planète, bientôt rassemblés à Paris pour un ultime hommage avant de repartir vers leur destin éclaté.
Je suis seule et triste.
Mais si je pense à André, alors je redeviens gaie dans mon coeur. De lui il me reste la vie, il me reste ce que je suis car c’est lui qui m’a appris ce qu’est la vie. Il m’en a montré le chemin. Un jour, il y a très longtemps, alors que je pleurais pour une énième raison qui, à l’époque, était certainement fort bonne, il m’a dit : "Arrête de pleurer tout le temps, sinon tu deviendras une pauv’ petite fille". J’ai écouté son conseil. Je ne suis pas une pauv’ petite fille. Dans la vie, j’ai fait ce que j’ai voulu, quoiqu’il m’en coûte. Je ne me suis vendue à personne. J’ai choisi une voie qui n’était certainement pas la plus facile, ni la plus confortable, celle de la liberté. J’ai essayé de pratiquer la tolérance, la fraternité, l’amitié. Parfois j’y suis parvenue. Parfois j’ai échoué. Je n’ai pas eu la même rébellion qu’André car nous n’avons pas vécu à la même époque. Vingt ans nous séparent, une génération en somme. André à "fait" mai 68, connu (et apprécié) la révolution sexuelle des années 1970. Homme mûr en 1981, il a pu donner la pleine mesure de ses capacités créatrices en devenant l’un des architectes les plus doués de Guyane française, signant des bâtiments d’Etat, des programmes de lotissement, des villas privées sublimes. Au faîte de sa gloire, la mort de sa fille a précipité sa chute.
Lorsque, le 12 mars de cette année, il est arrivé à l’hôpital Percy, le cancer rongeait depuis longtemps ses poumons, il s’était installé sur deux vertèbres, il s’attaquait à son abdomen. Je savais que jamais plus il n’y aurait de vacances tous les deux au Brésil ou au Surinam. Mais j’allais le voir tous les jours et c’était rien que du bonheur. Parfois il souffrait trop, alors nous ne parlions pas. Je regardais la télé avec lui, les machins que je ne vois jamais : 1ère Compagnie, ce truc de télé-réalité qui se passait en Guyane, Laurent Ruquier ou le tour de France. La chimiothérapie l’avait requinqué, il avait repris quelques kilos et séjournait dans une maison de soin. Je suis partie en mission l’esprit tranquille.
Je suis rentrée de Côte d’Ivoire et j’ai appris qu’il avait été transféré à nouveau à Percy. Je suis allée le voir. En entrant dans sa chambre, j’ai dit, comme à mon habitude pour le saluer, "Mon oncle…" Il était assis sur son lit, jambes pendantes, à moitié plié sur le côté, posé sur un coude. Il ne m’a pas répondu "…" mais a tourné vers moi un visage fatigué. Il a murmuré "Je n’arrive plus à respirer…" Puis il s’est rallongé péniblement. Il avait les lèvres tirées. "J’en bave…"
Il a attrapé la petite madeleine, sur son plateau, et me l’a tendue. Depuis des mois, à Percy, on lui servait tous les jours une madeleine. Systématiquement, il me la donnait. C’était devenu une sorte de rituel. Dans la maison de "soins de suite", il n’y avait plus de madeleine. Sans le dire, nous le regrettions… J’ai souri à ce geste proustien retrouvé.
Il parlait avec difficulté, je lui ai dit que ce n’était pas grave, que j’étais simplement venue pour rester avec lui. Je lui ai arrangé ses oreillers, comme d’habitude. Il m’a dit "plus haut", "non, plus bas", "mouais, bof" "Ah, je ne sais pas comment me mettre" "Il faut que tu m’achètes un truc introuvable : Côté Sud spécial hôtels et maisons d’hôtes" bref, comme avant. Des machins impossibles juste pour m’embêter. Pour que j’oublie, qu’il râle, que je lui dise que pfff, j’ai pas eu le temps, bref… Je me suis assise tout près de lui, sur le petit tabouret. J’ai caressé son bras où il y avait une grosse tache rouge. Sa peau était lisse et douce. Il était si maigre…
Je ne suis partie que bien après l’heure des visites. J’ai dit "à demain", tout simplement. Il m’a dit "oui" de la tête. Au moment de fermer la porte, j’ai rouvert et dit : si tu as besoin de moi dans la nuit, tu leur dis qu’ils m’appellent… enfin, tu vois quoi, si tu as besoin de quelque chose… Il a chuchoté "oui, oui…" et je suis partie.
Il m’avait attendue pour mourir.
J’attendais avec impatience votre retour pour lire les impressions de votre voyage.
Je lis autre chose, si triste mais pourtant si belle.
Courage…
Pensées…
Que dire, …, sinon te serrer dans mes bras et te dire tout doucement que par ce portrait désormais tu nous l’auras fait connaître un peu et nous, tes lecteurs lui disons aussi au revoir…
La vie est une chose merveilleuse et terrible à la fois.
Je suis d’autant plus sensible à ton histoire qu’elle me rappelle la mienne : être d’une famille d’amour et perdre ceux que l’on aime, puis trouver en soi la force de continuer, pas d’autre choix… Et savoir aussi que de belles choses se présenteront, encore et encore, pour chacun de nous, jusqu’à la fin.
Je t’embrasse
Chère …
De tout coeur avec toi dans ses moments si douloureux et pourtant si humains. dans cette quinzaine, deux amis écrivains (Kangni Alem & Eugène Ebode) ont perdu leur père. j’avais perdu le mien il y a onze ans. that’s life and the show must go on!!
mille bises nomadiques
A
Bonjour…, alors!
Content de vous retrouver, et de nous permettre de partager un peu de votre intimité.
Merci. Et j’enferme dans ce petit commentaire plein de gentille pensées et des sourires. Ce n’est pas grand chose mais comme on dit ici « every little helps ».
Bien amicalement…
bien beau !
De tout coeur avec toi : tu le sais à tel point que c’est à peine si j’ose te le répéter une fois de plus… Que toutes ces répétitions te rappellent que je suis là pas très loin et que cela ne risque pas de changer, même si tu essayes de me faire croire à ton soit disant mauvais caractère…Enfin quitte à me répéter, allons y gaiement : je te missionne donc pour une série de calins à ce cher little fish (et tant qu’à faire conserve en une partie pour toi), à bientôt,v.
Je partage ta peine Stella, R.I.P André le barroudeur. Courage à toi.
Je t’embrasse, depuis l’arrivée d’André à Paris, nous en parlions, et je le redoutais pour lui, et pour toi.
Merci de nous avoir si bien parlé de lui, et de ton chagrin.
A bientôt Stella,
Courage.
de tout coeur avec vous et un grand respect pour votre chagrin tellemnt bien exprimé.
Quelque part André est au courant.
Amicalment
Je suis avec vous dans ce moment difficile et je partage la douceur des termes avec lesquels vous décrivez cette épreuve.
Amitiés
De tout coeur avec vous dans cette épreuve décrite avec de mots tendres et une grande sensibilité.
Amitiés
Emouvant,
Oh comme je partage vos souvenirs de Guyane..,
C’est là que l’on m’a montré le chemin de la vie,
Vos mots vous rendent déjà belle.
A vous lire, la mort est une amie à laquelle il est douloureux d’être lié.
Mais c’est elle qui nous rapproche tous, n’est-ce pas?